C'était inévitable.
Avoir un bébé et être une professionnelle de la petite enfance, ça m'amène obligatoirement à écrire :)
C'est ancré en moi. :)
Je n'y peux rien, ça vient comme ça, les mots filent et ne s'arrêtent plus.
Alors voilà, je créé cet espace pour les moments où :
* j'ai besoin d'écrire
* je n'arrive pas à synthétiser ce que je veux transmettre.
Et là, j'ai fait une tartine pour la semaine de l'allaitement et impossible de réduire ! Donc, bonne/s lecture/s/
Pourquoi en août quand tout le monde est en vacances ? Aucune idée.
Mais ça montre que pour ce genre de projet, il n'y a pas de vacances.
On allaite tous les jours, c'est comme ça.
Les mamans du monde entier ne sont pas en congé allaitement en août, au contraire, ça bosse plus vu les chaleurs. 😊
En cette semaine de l’allaitement, je voudrais apporter ma pierre à l'édifice en témoignant.
C’est mon vécu, ma vie, mes ressentis. Personne ne vivra ce que j’ai vécu à 100%, mais peut-être que ça aidera certaines/s.
Mon envie était d'allaiter ma fille le plus possible, quand elle voulait, donner mon lait à la crèche et continuer à tirer au travail.
Enola est née prématurée. Elle n'avait pas la force de manger seule.
J'ai dû créer une montée de lait artificiellement.
Me greffer un tire lait sur chaque sein, et tirer toutes les 3h. Souvent au beau milieu du service de néonat, au milieu des sage femmes, des parents des autres enfants, seule, mon bébé enfermé dans une couveuse.
Disons que les débuts n'ont pas été sympathiques. Ça a été tellement dur, aucun plaisir de se faire tirer sur les tétons. J’étais vraiment une vache laitière. Mais bon, je l’avais choisi alors je devais assumer.
Quelle joie de sortir 4ml de colostrum au bout du deuxième jour !!
Vite remplacée par : "Ce n'est pas assez, il faut plus pour mon bébé".
Donc toutes les trois heures, pendant 2x20 minutes, après m'être occupée de ma fille, tirer, me reposer et recommencer. Jour et nuit.
Mais youpi, Enola mange enfin ce qu'il faut, pesée avant chaque repas, pesée après chaque repas, mes quantités suivent ses besoins.
Retour à la maison, le papa est triste. Il aimerait donner à manger à sa fille.
Rdv chez la gynéco pour le check-up post accouchement : elle me dit que toutes les sages femmes qu'elle a rencontrées, ont remarqué que si on ne commençait pas le biberon assez tôt, le bébé peut refuser de boire ensuite.
Je cède face à la pression, face aux expériences.
Je ne voulais pas qu'on donne le biberon à Enola aussi tôt. Je ne voulais tellement pas. Mais je me fais une raison. Le cœur dit non, la tête raisonne.
Pour elle, pour papa, j'ai cédé.
La première fois était tellement dure !
Le papa râlait parce qu'elle en mettait plein à côté.
Il avait la pression parce que j'avais tellement eu dur pour tirer mon lait.
Bébé n’avait pas l’habitude de la tétine et en mettait partout.
Papa n’avait pas l’habitude et ça ne fonctionnait pas bien.
Moi j'avais mal de la voir manger avec quelqu’un d’autre. Déchirée, incapable d’accompagner le papa dans sa première fois, irritable, agressive, tendue.
Le papa qui me fait la remarque de ne pas « gâcher sa première fois ». Je comprends, je me contiens. Mais je me sens volée, déchirée.
Heureusement, les fois suivantes ont été plus douces.
Finalement, papa n’aimera pas donner à manger à bébé au début. Il dira que ce n’est pas grand-chose, il voulait créer un lien et il ne l’a pas ressenti. Il faudra deux-trois semaines pour qu’il ressente ce lien.
Ce biberon du soir, c’était pour me reposer. Ça n’est jamais arrivé, parce que je devais tirer mon lait pour la crèche et que comme Enola ne mangeait pas, je tirais un peu plus qu’un sein à chaque tétée.
J’ai essayé de tirer mon lait après le miam de ma demoiselle. Parce que pendant, c’était dérangeant pour tout le monde.
Elle : avait dans l’oreille les vibrations de l’appareil, devait être mise dans une drôle de position parce que je devais rester droite pour le tire-lait. Elle se retrouvait donc entre mes jambes, à devoir boire à mon sein.
Moi : quelle tristesse de ne plus sentir ma fille contre moi, de devoir me mettre dans des positions qui créent des tensions pour tirer correctement quelques cinquantaines de millilitres.
J’ai essayé de tirer après l’allaitement, impossible, je devenais folle. Je n’avais plus de temps, plus de disponibilités, plus rien à donner. Je tirais encore moins.
Surtout que c’était 2x15 minutes, impossible de faire les deux en même temps avec mon tire lait.
Finalement, j’ai laissé tomber.
J’ai continué à tirer le plus possible.
J’ai essayé le matin avant, j’ai essayé le soir après, j’ai essayé quand elle dormait.
J’ai essayé pendant un moment de plaisir. J’ai essayé en regardant la tv.
J’ai lâché l’idée d’avoir 150 ml sur la journée.
J’ai accepté de faire ça en 1 semaine, parce qu’il y avait toujours quelque chose qui m’empêchait : des gens qui viennent, le week-end avec un rythme différent, de la grosse fatigue, un changement de rythme.
En fait, avec le recul, je me rends compte que j’étais vraiment courageuse.
Enfin la reprise du boulot : j’ai tenu deux semaines à mi-temps, soit 4 jours.
La cata, soit j’oubliais un truc, soit je devais me trimballer avec tout un attirail pour 30 ml tiré.
Prendre sur ma pause de 30 minutes le midi (ce qui était ok. Tout était ok pour mon bébé).
Mais arriva le samedi où j’avais 8 enfants toute la journée, pas de pause, impossible de tirer mon lait.
Et voilà comment j’ai fait le deuil de tirer au travail.
Voilà comment j’ai fait le deuil de tirer pour ma fille très longtemps. Je me suis résignée à tirer jusqu’au 6 mois de ma fille.
Voilà comment j'ai dû choisir entre lait artificiel 1x/jour au biberon du soir ou du lait à la crèche.
5 mois: Enola commence la diversification. Elle mange une purée puis purée et fruits.
Et voilà comment j’ai réalisé que je n’allaiterais plus ma fille la journée. Matin, soir parfois la nuit.
Enola a grandi. Je n’avais pas assimilé que la diversification, c’était aussi l’abandon d’un moment avec mon bébé.
Pouf, encore un deuil.
6 mois : Enola boit à mon sein matin et soir.
On se retrouve dans le lit, allaitant couché pour profiter encore un peu de la bulle de chaleur.
Moments magiques, où papa profite aussi. Rires, sourires, jeux, câlins.
7 mois : Enola boit à mon sein mais à besoin d‘un complément biberon d’office matin et soir. Tristesse.
Je n’ai plus assez pour nourrir ma fille.
Les matins câlins changent : tristesse, adaptation. Papa peut profiter d’un moment avec sa fille, lui donner à manger le matin et le soir.
Profiter de ce moment de douceur au réveil et au couché.
Et me voilà à 8 mois dans 3 jours.
Je suppose qu’il va y avoir encore des changements. Je me suis habituée au rythme. Je sais qu’il est possible qu’elle ne veuille plus du tout manger au sein un jour.
Pour l’instant, je vis avec l’idée que ma poitrine change, que mon homme me demande de temps en temps « tu continues d’allaiter jusque quand ? »
Je n’ai pas de dates. Le plus longtemps possible. Je l’aime. Elle est belle, parfaite, exceptionnelle.
Pourquoi arrêter un moment qui me permet de la sentir tout contre moi, de m’apaiser, de lui caresser les cheveux, d’éclater de rire face à ses mimiques ?
Oui, ma poitrine ne sera plus jamais la même. Oui, papa va devoir assumer et vivre avec ses changements.
Je culpabilise pour ça. Que ma décision d’allaiter ait un impact direct sur mon corps et donc sur lui.
Peut-être l’aimera-t-il moins qu’avant ?
Est-ce que nourrir ma fille pendant 1-2-3 ans vaut la peine contre des dizaines d’années avec mon homme ?
Pourquoi je dois choisir ? C’est dur d’être celle qui doit faire ce choix.
Et non, je ne l’assume pas totalement tout le temps.
Si un jour, il me le reproche, je ne suis pas sûre de l’assumer à 100% pour ne pas culpabiliser et m’excuser.
Mais ces moments avec ma fille, ils ne seront plus jamais. Est-ce que ça ne compte pas ?
C’est dur de devoir choisir entre son homme et son enfant.
Voici mon histoire.
J’ai mis du temps pour trouver l’équilibre entre toutes mes émotions.
J’aime beaucoup allaiter et aussi donner le biberon à ma fille.
Tant que je passe un moment avec elle. Je suis heureuse, contente, satisfaite.